CFM - Madagasikara

LOIS ET DECRETS

Loi n°2016-037 relative à La Réconciliation Nationale

EXPOSE DES MOTIFS

Depuis le recouvrement de son indépendance en 1960, Madagascar a connu des crises politiques générées par différents facteurs, historiques, sociopolitiques, économiques et géostratégiques, lesquelles sont devenues répétitives, rapprochées, davantage plus graves, complexes et imbriquées (1971, 1972, 1975, 1991-1992, 2002 et 2009) avec leurs évènements subséquents.
Après chaque crise politique, la sauvegarde et la reconquête de la paix civile, de l’unité nationale et de la reconnaissance internationale ont nécessité un processus difficile.
Les citoyens prenant conscience de la nécessité d’un dialogue entre les Malagasy pour le retour à l’ordre constitutionnel indispensable à une paix durable, diverses initiatives ont vu le jour à savoir des rencontres ou assises régionales et nationales et des réunions au sommet des anciens Chefs d’Etat.
Il s’agit, via un processus du « Fampihavanana Malagasy », d’éradiquer et de prévenir les crises récurrentes, de soigner et de guérir les blessures individuelles et collectives du passé et d’établir de saines fondations pour l’avenir et le développement économique de la Nation.
C’est ainsi que, confortant le préambule de la Constitution du 11 décembre 2010 de la IVème République affirmant « Qu’il est indispensable de mettre en œuvre un processus de réconciliation nationale », et conformément aux dispositions des articles 25, 26 et 27 de la Feuille de Route du 17 septembre 2011 pour la sortie de crise à Madagascar, insérée dans l’ordonnancement juridique par la Loi n°2011-014 du 28 décembre 2011, il a été décidé, la mise en place du Filankevitry ny Fampihavanana Malagasy (FFM), représentant les diversités et sensibilités de la population malagasy. Le but était d’institutionnaliser un processus capable de promouvoir et de renforcer la culture du dialogue, la tolérance, la solidarité et l’équité pour la paix durable ainsi que l’exploitation rationnelle des richesses nationales.
Bien que le Filankevitry ny Fampihavanana Malagasy (FFM) ait entrepris d’une part, le traitement des dossiers d’amnistie dans les limites de ses compétences données par la Loi n° 2012-010 du 30 juillet 2012, d’autre part, des consultations régionales et nationales ainsi que l’étude d’avant-projet de loi relative à la réparation et/ ou indemnisation et au Fonds National de Solidarité, force est cependant de reconnaître, que le Filankevitry ny Fampihavanana Malagasy (FFM) est loin d’avoir atteint les résultats attendus.
Pour redynamiser le processus et atteindre l’objectif de réconciliation de toutes les composantes majeures de la Nation dans un délai raisonnable, de manière à ce que la population, dans un « vouloir vivre ensemble », puisse se pardonner et se tourner vers son futur pour le développement harmonieux et équilibré du pays, conformément à l’article 168 de la Constitution, le Président de la République, par le Décret n° 2015-1105 du 8 juillet 2015, pris en Conseil des Ministres, portant création du Comité de Révision des Textes sur le Conseil du Fampihavanana Malagasy (C.F.M.) a-t-il décidé la mise en place d’un Comité d’experts, chargé de :

    • procéder aux consultations de l’ensemble des acteurs publics du processus de réconciliation nationale ;
        • rédiger la loi sur la composition, les attributions et les modalités de fonctionnement du Conseil du Fampihavanana Malagasy ;
          • présenter à l’Exécutif les textes rédigés.
Le Comité doit tenir compte « de tous les travaux et documents pertinents relatifs au processus de réconciliation nationale ».
La loi relative à la réconciliation nationale, aussi bien dans la mission, les attributions, la composition et les modalités de fonctionnement du Conseil du Fampihavanana Malagasy (CFM) que sur l’amnistie et la réparation des victimes des situations conflictuelles graves passées et contemporaines, doit donc pouvoir répondre au défi de l’exigence d’une solidarité nationale efficace, par la bonne compréhension de la portée exacte du « Fampihavanana Malagasy ».
Les principales innovations portent sur les points suivants :
1. Par souci de clarté, les définitions explicatives des concepts majeurs du processus de réconciliation nationale sont reprises, mais la mission et les attributions du CFM sont mieux recentrées. En effet, des différentes consultations citées plus haut, il a été identifié comme étant à l’origine de ces crises :
         • les faiblesses institutionnelles engendrant le non-respect de l’état de droit par distorsion des prescrits constitutionnels et des pratiques politiques et juridictionnelles, le déficit démocratique, les fraudes électorales, le dysfonctionnement du système judiciaire et des organes de contrôle ;
         • la politisation de l’Administration et des forces armées ;
         • la mauvaise gouvernance économique et la confiscation de l’économie par une oligarchie ;
         • le népotisme politique, régional, tribal, etc…et ;
       • le déséquilibre dans le développement et dans la répartition inéquitable des ressources nationales par manque de volonté politique pour une réelle décentralisation.
Mais tiennent aussi une place importante à l’origine de ces crises, les rancœurs laissées par les guerres intertribales de la période monarchique, les séquelles des rivalités entre les Malagasy depuis la période coloniale, l’exclusion sociale et les inégalités engendrées par la survivance et la résurgence du clivage entre castes.
Pour être efficace, il appartient au Conseil du Fampihavanana Malagasy (CFM) de déterminer dans quelle mesure ces causes ont eu un impact sur l’unité nationale et comment elles contribuent à perpétuer la répétition des crises, afin de pouvoir proposer des parades et réparations adaptées.
Par adoption du concept de la justice transitionnelle, le «Fampihavanana Malagasy» englobe tout processus et mécanisme reposant sur le droit de savoir, le droit à la justice, le droit à réparation, la nécessité des réformes institutionnelles et la mise en place des infrastructures de paix pour garantir la non-répétition des crises.
Le Conseil du Fampihavanana Malagasy (CFM) est appelé à travailler sur :
• la réconciliation nationale selon le concept : « Vérité, Justice, Pardon Amnistie et Réconciliation » pour établir une atmosphère politique sereine, instaurant un environnement favorable à un fonctionnement apaisé des Institutions ;
         • la réconciliation nationale aboutissant à la refondation de la Nation et de la République, visant à éclairer le peuple malagasy sur son passé pour qu’il soit en mesure de prendre en main son avenir dans le cadre de l’évolution du monde
2. La composition du Conseil du Fampihavanana Malagasy (CFM), est réduite. Son efficacité devrait être renforcée, grâce à une plus grande rationalisation des actions de ses Commissions et de ses démembrements. Les membres du Conseil du Fampihavanana Malagasy (CFM) jouissent de prérogatives et immunités particulières pour la recherche de la vérité.
Pour garantir la représentativité et la compétence des membres du Conseil du Fampihavanana Malagasy (CFM), la sélection des candidats sera confiée à un comité dont la composition et le fonctionnement seront déterminées par décret pris en Conseil des Ministres.
Enfin, le Président de la République, garant de l’unité nationale selon l’article 45 de la Constitution, a la prérogative de choisir le tiers des membres du Conseil du Fampihavanana Malagasy. En effet, appelé à avoir comme objectif la préservation de l’unité nationale dans ses travaux, celui-ci est également responsable de cette mission.
3. Si l’amnistie s’avère effectivement nécessaire comme faisant partie de la panoplie des mesures de pardon en vue de la réconciliation nationale, elle doit avant tout être fondée sur la connaissance de la vérité, sans favoriser la culture d’impunité.
Le Conseil du Fampihavanana Malagasy dispose de la plénitude de compétence en la matière.
Pour la crédibilité de sa décision, il est indépendant et impartial. Sa décision est motivée et les droits de la défense doivent être assurés. Elle est cependant précédée de l’avis juridique motivé d’une Commission Spéciale Indépendante pour l’Amnistie au sein de la Cour Suprême afin de garantir le respect de la légalité.
Par souci d’impartialité, la loi prévoit des situations constitutives d’incompatibilité et des cas de récusation.
4. Concernant la réparation et/ou l’indemnisation, sont prises en considération, par les démarches les plus appropriées selon la nature du préjudice, les victimes de toutes les situations conflictuelles historiques et contemporaines. L’objectif recherché est de guérir les blessures collectives ou individuelles, pour faire face solidairement au défi du développement pour l’avenir.
Le Fonds National de Solidarité (FNS) sera alimenté par l’Etat appuyé par la Communauté Internationale ainsi que par d’autres contributions.
Le statut du FNS et ses modalités de fonctionnement sont fixés par voie règlementaire.
5. Dans sa mission de refondation de la Nation et de la République, le Conseil du Fampihavanana Malagasy est habilité à organiser des Assises régionales et nationales.
La réconciliation nationale est actuellement régie par trois normes juridiques :
          • la Loi n°2012-007 du 03 mai 2012 portant amnistie pour la réconciliation nationale ;
          • la Loi n°2012-010 du 30 juillet 2012 portant création ; mission, attributions, composition, et modalités de fonctionnement du Filankevitry ny Fampihavanana Malagasy (FFM) ou Conseil de la Réconciliation Malagasy (CRM) ;
        • l’Ordonnance n°2012-004 du 09 octobre 2012 fixant les attributions, la composition et le fonctionnement d’une commission ad’hoc dénommée «commission spéciale» au sein de la Cour Suprême.
Pour une meilleure cohérence de la législation en la matière, et éviter ainsi l’éparpillement des instruments juridiques la concernant, il importe de regrouper et de reformer ces normes en une seule loi relative à la réconciliation nationale.
La loi relative à la réconciliation nationale comporte deux Titres composés de 72 articles :
        • le Titre premier porte sur les concepts clés attachés à la réconciliation nationale ainsi qu’à la création, mission, attributions, composition, et modalités de fonctionnement du Conseil du Fampihavanana Malagasy ;
        • le Titre II est relatif à l’Amnistie et à la Réparation et/ ou Indemnisation des victimes et le Fonds National de Solidarité (FNS).
Tel est l’objet de la présente loi.

Loi n°2016-037
Relative à La Réconciliation Nationale
du 02 février 2017
L’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté en leur séance respective en date du 13 et du 15 décembre 2016,
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE,
Vu la Constitution ;
Vu la décision n°10-HCC/D3 du 27 janvier 2017 de la Haute Cour Constitutionnelle,
PROMULGUE LA LOI DONT LA TENEUR SUIT :
Chapitre préliminaire
Des dispositions générales
ARTICLE UNIQUE.- La présente loi a pour objet de restaurer la cohésion nationale par la voie de la réconciliation nationale, de l’amnistie, de la réparation en faveur des victimes des situations conflictuelles majeures ayant laissé des séquelles cruciales sur la cohésion nationale et des victimes des événements politiques de 2002 jusqu’à la fin de la Transition ainsi que de la refondation de la Nation et de la République, la prévention des crises cycliques et la reconstruction de l’Etat de droit.
TITRE PREMIER
DES CONCEPTS, DE LA CRÉATION, DES MISSIONS, ET DES ATTRIBUTIONS DU CONSEIL DU FAMPIHAVANANA MALAGASY (CFM)

Chapitre premier
Des concepts clés attachés à la réconciliation nationale
Article premier.- Le « Fampihavanana Malagasy » englobe tout processus et mécanisme de réconciliation nationale selon le concept « Vérité, Pardon/Amnistie et réconciliation nationale».
Aux termes de la présente loi, il faut entendre par :
Vérité :
• l’établissement de la vérité se faisant à partir des faits liés aux événements politiques ;
• le rétablissement clair et objectif des réalités historiques des faits, crimes et violations des droits de l’homme, ayant causé un préjudice à une personne ou à un groupe de personnes et laissé des séquelles sur la cohésion nationale ;
• l’établissement de la responsabilité des autorités publiques ou des personnes pour des actions entreprises au détriment de l’intérêt général, que ce soit en vue d’un profit personnel, pour un enrichissement illicite ou non.
Pardon : Le pardon est un acte consenti par les victimes d’exactions et de violations des droits de l’homme à la suite du repentir sincère et public de leurs auteurs. Le repentir sincère et public ainsi que le pardon qui y est accordé, manifestés publiquement, constituent les éléments essentiels pour aboutir à la guérison sociale, socle de la réconciliation.
Amnistie : l’amnistie, étymologiquement, signifie oubli. Elle est une mesure définie par la loi et a pour effet de :
• proscrire sans effet rétroactif la mise en mouvement de l’action public et, dans certains cas, de l’action civile contre certains individus ou catégories d’individus, pour un comportement criminel précis préalable à l’adoption de l’amnistie ; ou
• supprimer rétroactivement la responsabilité en droit établie antérieurement sans pour autant effacer la réalité des faits commis.
Réconciliation nationale: le rétablissement de l’harmonie, de la concorde, de la paix sociale entre auteurs et victimes de divers préjudices et crimes perpétrés, en vue de restaurer l’unité nationale et la réhabilitation tant morale que physique des personnes concernées.
Article 2.- Le Conseil du Fampihavanana Malagasy, en tant qu’organe constitutionnel (…………………….… disposition extraite suivant la décision n°10-HCC/D3 du 27 janvier 2017 de la Haute Cour Constitutionnelle), jouit du principe d’autonomie administrative et financière ainsi que de l’indépendance par rapport aux autres institutions de l’Etat.
L’autonomie budgétaire du Conseil du Fampihavanana Malagasy est assurée dans les conditions déterminées par la loi de Finances.
Le budget du Conseil du Fampihavanana Malagasy relève du Budget général de l’Etat et est soumis aux principes des finances publiques et des règles de la comptabilité publique.
Le Conseil du Fampihavanana Malagasy élabore son projet de budget annuel qu’adresse au Ministre chargé des Finances.
Le Conseil du Fampihavanana Malagasy peut bénéficier d’aides et de subventions provenant d’autres sources de financement, y compris d’Etats étrangers et /ou d’organisations internationales conformément aux dispositions législatives et règlementaires en vigueur.
A cet effet, une mesure spéciale de suivi et de contrôle de la gestion financière sera mise en place, en coordination avec les partenaires financiers.
Chapitre II
De la création, mission et attribution du Conseil du Fampihavanana Malagasy et de la Commission Spéciale Indépendante pour l’Amnistie au sein de la Cour Suprême
Section 1. Du Conseil du Fampihavanana Malagasy
Article 3.- Il est créé un Conseil de Fampihavanana Malagasy (CFM) chargé de conduire le processus de réconciliation nationale.
Le Conseil du Fampihavanana Malagasy exerce, sur toute l’étendue du territoire national, la plénitude de compétence dans l’accomplissement de sa mission afin de soigner et guérir les blessures individuelles et collectives du passé en vue d’établir les saines fondations pour l’avenir de Madagascar.
Il a son siège à Antananarivo, capitale de la République de Madagascar.
Des structures du Conseil du Fampihavanana Malagasy sont établies au niveau de toutes les régions et communes dans les conditions et suivant les modalités fixées par décret pris en Conseil des Ministres.
Article 4.- Le Conseil du Fampihavanana Malagasy a pour missions de :
• conduire le processus de réconciliation nationale en mettant en œuvre les dispositifs prévus à cette fin par la présente loi ;
• contribuer à instaurer une atmosphère politique sereine pour garantir la non répétition des situations conflictuelles pouvant porter atteinte à l’unité nationale d’une part ; et d’autre part un environnement favorable au respect de la constitution, de l’Etat de droit, au respect des droits de l’homme et l’approche genre;
• formuler des recommandations de nature à permettre la résolution pacifique de toutes les situations conflictuelles et de tout problème dont la gravité risque de constituer une atteinte à la cohésion nationale ou communautaire, un facteur de blocage au fonctionnement régulier des pouvoirs publics ou aux rouages de l’économie, ou une entrave au développement harmonieux et équitable des territoires.
Article 5.1.- Le Conseil du Fampihavanana Malagasy a pour attributions principales :
1. l’établissement de la vérité sur les violences et les allégations de violation des droits de l’homme en relation avec des faits liés aux évènements politiques de 2002 jusqu’à la fin de la Transition, en permettant aux personnes victimes des violations des droits de l’Homme ainsi que celles qui en sont les responsables de s’exprimer ;
2. l’investigation et l’établissement de la réalité des faits liés aux évènements politiques de 2002 jusqu’à la fin de la Transition aux fins de bénéfice des mesures de l’amnistie, en échange d’un processus de collaboration à la manifestation de la vérité ;
3. l’établissement de la vérité sur les situations tragiques majeures, ayant laissé des séquelles cruciales sur la cohésion nationale ;
4. la recommandation des mesures et des garanties de non-renouvellement des violations des droits de l’Homme ;
5. la lutte contre la culture de l’impunité et des pratiques de la Justice des vainqueurs, dans le respect de la légalité ;
6. la réconciliation des grandes composantes de la Nation dont les acteurs politiques, les acteurs socio-économiques et culturels y compris la considération de l’approche genre et de l’approche communautaire;
7. la prévention et la résolution des conflits pouvant porter atteinte à l’unité nationale et à la paix sociale sur la base du concept « Vérité-Réconciliation » afin d’établir les saines fondations pour l’avenir de Madagascar;
8. la participation, en tant que de besoin, à l’élaboration de tous autres instruments juridiques pour la promotion de la démocratie et le développement de Madagascar dans le monde moderne ;
9. la coopération avec les organismes nationaux et internationaux pour toutes les activités rentrant dans les attributions du Conseil du Fampihavanana Malagasy aux fins de consolider la concorde nationale et la pa
Article 5.2.- Dans l’exercice de ses attributions, le Conseil du Fampihavanana Malagasy se fonde sur les rapports et les recommandations qui lui sont fournis par ses différentes commissions.
Le Conseil du Fampihavanana Malagasy est habilité à recourir, à tout moment, aux prérogatives qui lui sont conférées à cet effet. Il est tenu de se prononcer le bénéfice ou non de mesures d’amnistie à toutes les personnes qui en ont fait la demande. Il statue sur le fondement des avis et recommandations motivés de la Commission Spéciale Indépendante pour l’Amnistie au sein de la Cour Suprême, et dans le respect des conditions et modalités prévues par la présente loi.
Le Conseil du Fampihavanana Malagasy est seul compétent pour statuer sur les demandes de réparation des dommages et préjudices éprouvés par les victimes, en relation avec des faits liés aux évènements politiques de 2002 jusqu’à la fin de la Transition.
Il appartient à la victime ou à la Commission Vérité et Pardon, sur le fondement des conclusions de ses investigations aux fins de l’établissement de la vérité, de saisir la Commission Réparation/Indemnisation pour que celle-ci examine les conditions et modalités de la réparation, conformément aux dispositions de l’article 42 ci-après.
A l’issue de ses propres investigations, la Commission Réparation/Indemnisation transmet les dossiers de demande de réparation au Conseil du Fampihavanana Malagasy qui statue, en dernier ressort, sur les demandes de réparation et/ou de réhabilitation des victimes de violences et des allégations de violations des droits de l’Homme. Le Conseil du Fampihavanana Malagasy fixe, en toute souveraineté, les conditions et modalités de la réparation.
Il détermine les modalités pertinentes de mise en œuvre de mesures appropriées aux fins de la réconciliation communautaire et de la consolidation du sentiment d’appartenance nationale.
Article 6.- Tous les pouvoirs publics ont le devoir et l’obligation d’apporter leur soutien au Conseil du Fampihavanana Malagasy dans l’accomplissement de sa mission.
Section 2. De la Commission Spéciale Indépendante pour l’Amnistie au sein de la Cour Suprême
Article 7.- Il est créé une Commission Spéciale Indépendante pour l’Amnistie (CSIA) au sein de la Cour Suprême chargée de mettre en état les dossiers d’amnistie, de fournir les informations relatives aux antécédents, notamment judiciaires, de l’intéressé et donner son avis et ses recommandations motivés pour être statué par le Conseil du Fampihavanana Malagasy.
Article 8.- La Commission Spéciale comprend :
• le Président de la Cour de Cassation, Président ou son remplaçant ;
• trois Présidents de Chambre les plus anciens de la Cour de Cassation, dont deux membres titulaires et un suppléant ;
• deux Avocats généraux les plus anciens près la Cour de Cassation dont un membre titulaire et un suppléant ;
Article 9.- La Commission Spéciale Indépendante pour l’Amnistie statue sur pièces et par la voie d’une décision motivée.
Elle a le pouvoir de réclamer la transmission de l’intégralité des éléments des dossiers à caractère pénal auprès des juridictions ou auprès de toute autorité ou instance en charge du dossier.
Elle transmet son avis et recommandations motivés dans un délai de six semaines après réception du dossier pénal au Président du Conseil du Fampihavanana Malagasy.
Le Conseil du Fampihavanna Malagasy n’est pas lié par les avis ou recommandations de la Commission Spéciale Indépendante pour l’Amnistie (CSIA).
Article 10.- Ne peut siéger au sein de la Commission Spéciale, tout magistrat ayant établi ou rendu un acte ou participé à une décision juridictionnelle antérieure à la procédure d’amnistie.
La personne concernée par l’amnistie peut récuser tout membre de la Commission Spéciale dans les conditions prévues par les articles 43 et suivants du Code de procédure civile. La récusation ne peut s’exercer qu’une seule fois.
Article 11.- Les membres de la CSIA bénéficient d’une indemnité qui sera déterminée par des textes règlementaires.
Leur fonction cesse à l’épuisement des dossiers d’amnistie.
Chapitre III
De la composition du Conseil du Fampihavanana Malagasy
Article 12.- Le Conseil du Fampihavanana Malagasy est composé de personnalités choisies en raison de leur qualité morale, leur intégrité, leur refus du népotisme sous toutes ses formes, leur sens de la Justice, du devoir, du bien public et de l’intérêt général, leur compétence et leur connaissance réelle de Madagascar ainsi que leur capacité à transcender les clivages de toute nature.
Article 13.- Le Conseil du Fampihavanana Malagasy comprend trente-trois membres dont un par Région et onze désignés par le Président de la République à raison de leur compétence particulière et issus de province différentes et dans le respect de l’approche genre.
Tout membre du Conseil du Fampihavanana Malagasy est désigné après appel à candidature ouvert annoncé dans l’ensemble des organes de presse à caractère national et régional dont la Radio Nationale et la Télévision Nationale Malagasy. Les membres du Conseil du Fampihavanana Malagasy sont désignés sur une liste proposée par un comité de sélection national composé de personnalités réputées pour leur intégrité et compétence, respectant l’approche genre issues entre autres des associations religieuses, de la société civile, des autorités traditionnelles et du secteur privé.
Un décret pris en Conseil des Ministres détermine la composition et le fonctionnement du comité de sélection et les modalités de sélection des candidats.
Article 14.- La désignation des membres du Conseil du Fampihavanana Malagasy, respectant l’approche genre, l’équilibre régional et les critères et les conditions prévus par les articles 12 et 16 de la présente loi, est constatée par décret pris en Conseil des Ministres.
Ils portent le titre de «Conseiller du Fampihavanana Malagasy».
Article 15.- Tous les membres du Conseil du Fampihavanana Malagasy, avant d’entrer en fonction, prêtent serment devant la Cour Suprême en audience solennelle, en ces termes, la main droite levée :
« Mianiana aho fa :
• hikaroka ny marina sy hanatanteraka ny andraikitro ao anatin’ny fanajana ny mahaolona sy ny zon’olombelona ;
• hiaro sy hitandro hatrany ny firaisankinam-pirenena sy ny fampihavanana samy Malagasy ;
• hiasa amim-pahaleovantena tanteraka, ka tsy misy mihitsy fijerena mitanila na fanavakavahana, mba ho fitandrovana ny fampizorana antsakany sy andavany ireo raharaha atao ;
• hanaja antsakany sy andavany ny fepetra rehetra amin’ny maha-mpikambana ahy ao amin’ny Filankevitry ny Fampihavanana Malagasy ;
• hitana sy tsy hamboraka ny tsiambaratelon’ny diniky ny »

Article 16.- Les conditions requises pour être membre du Conseil sont :
a. être de nationalité Malagasy ;
b. avoir quarante (40) ans révolus ;
c. être de bonne moralité ;
d. avoir de l’expérience sur les composantes et les éléments du processus de réconciliation nationale ;
e. ne pas être membre d’une Institution de la République ;
f. n’avoir jamais été condamné définitivement pour crime ou délit ;
g. n’avoir jamais fait publiquement de déclaration hostile à la réconciliation nationale à Madagascar ;
h. ne pas être membre de l’instance dirigeante d’un parti politique.
Article 17.- La fonction de Conseiller du Fampihavana Malagasy est incompatible avec toute fonction publique, militaire ou privée donnant lieu à rémunération, avec toute activité au sein d’un parti politique ou d’une fonction dirigeante d’une institution religieuse ainsi que toute autre fonction frappée d’un régime d’incompatibilité défini par la loi.
De même, ne peut être Conseiller du Fampihavana Malagasy toute personne ayant une activité pouvant présenter un conflit d’intérêt avec les missions du Conseil du Fampihavanana Malagasy.
Article 18.- Le mandat des membres du Conseil du Fampihavanana Malagasy est de cinq ans.
Article 19.- Le mandat d’un membre du Conseil du Fampihavanana Malagasy prend fin, sans préjudice des cas prévus par le règlement intérieur:
• lorsqu’il a cessé de remplir les critères et les conditions requis par les articles 12 et 16 de la présente loi ;
• au terme du mandat ;
• lorsque des carences avérées ont été constatées par le Bureau Permanent ;
• en cas d’incapacité physique ou mentale ;
• en cas de rétention ou de divulgation d’information pouvant nuire à la mission du Conseil du Fampihavanana Malagasy;
• en cas de démission ;
• en cas de décès.
Les modalités d’application du présent article seront fixées par le Règlement Intérieur.
En cas de cessation du mandat avant son terme, le membre est remplacé dans les mêmes modalités que pour sa désignation.
Article 20.- Aucun membre du Conseil du Fampihavanana Malagasy ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions.
Article 21.- Les organes du Conseil du Fampihavanana Malagasy sont :
• l’Assemblée Générale ;
• le Bureau Permanent ;
• les Commissions.

Article 22.- Le CFM est dirigé par un Bureau Permanent comprenant :
• un Président ;
• six (06) Vice-Présidents dont un (01) par province ;
• un Rapporteur général ;
• un Rapporteur général adjoint.
Le Président dispose d’un cabinet.
Le Bureau Permanent est doté d’un secrétariat.
Article 23.- Le Président du Conseil du Fampihavanana Malagasy est élu par et parmi ses membres.
Nonobstant les dispositions prévues à l’article 16 de la présente loi, tout candidat au poste de Président doit être âgé de 50 ans révolus.
Il est procédé à son élection par un vote à bulletin secret selon un scrutin à deux tours.
Est élu au premier tour le candidat ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés. A défaut, le Président du Conseil du Fampihavanana Malagasy est élu au second tour à la majorité absolue des suffrages exprimés parmi les deux candidats ayant recueilli le plus grand nombre de suffrages au premier tour. Dans le cas où les deux candidats sont à égalité, le plus âgé l’emporte.
Un Bureau provisoire constitué par le doyen et le benjamin dirige la première Assemblée Générale pour la mise en place du Bureau Permanent.
Tout membre du Bureau Permanent du Conseil du Fampihavanana Malagasy cesse sa fonction par :
• la cessation de remplir les critères et les conditions requis par les articles 12 et 16 de la présente loi ;
• l’incapacité physique ou mentale ;
• la fin de mandat ;
• la perte de qualité de membre ;
• la démission ;
• la destitution par l’Assemblée Générale en cette qualité, pour tout agissement établi, constitutif de faute lourde ou dolosive, compromettant gravement l’accomplissement de la mission et des objectifs de l’Institution, dans les conditions prévues dans le Règlement Intérieur.
• le décès.
Article 24.- Le Président du Conseil du Fampihavanana Malagasy (…………………….… disposition extraite suivant la décision n°10-HCC/D3 du 27 janvier 2017 de la Haute Cour Constitutionnelle) bénéficie d’un statut tenant compte de la considération due à son rang ainsi que de la nécessité de préserver et de garantir la dignité et la sécurité de la mission du Conseil du Fampihavanana Malagasy.
Article 25.- L’Assemblée Générale, composée des conseillers du Conseil du Fampihavanana Malagasy, adopte :
• le budget et le programme d’activités proposé par le Bureau Permanent;
• l’ordre du jour de la session.
Elle valide :
• les rapports des commissions ;
• les recommandations.
L’Assemblée Générale du Conseil du Fampihavanana Malagasy statue en dernier ressort. Les délibérations du Conseil du Fampihavanana Malagasy sont exécutoires de plein droit dès qu’il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés.
Article 26.- Le Conseil du Fampihavanana Malagasy dispose d’un Secrétariat Permanent, chargé de la gestion administrative, financière et logistique.
Le Secrétariat Permanent est dirigé par un Secrétaire Exécutif. Il est recruté sur appel à candidature lancé par le Président du Conseil du Fampihavanana Malagasy selon des critères de compétences requises telles que les connaissances parfaites des attributions et objectifs du Conseil du Fampihavanana Malagasy, en respectant une procédure transparente, par une large publication dans la presse nationale.
Il dispose d’un personnel administratif.
Le Conseil du Fampihavanana Malagasy peut faire appel à des experts en cas de besoin.
Article 27.- Dans l’exercice de leurs fonctions, les membres du Conseil du Fampihavanana Malagasy et du secrétariat permanent sont protégés de toute forme de pression ou d’intimidation provenant de qui que ce soit.
Le Président peut dénoncer auprès des autorités compétentes, et de la manière qu’il estime la plus appropriée, toute pression ou intimidation de nature à porter atteinte à l’accomplissement de la mission et à l’indépendance du Conseil du Fampihavanana Malagasy.
Chapitre IV
Des modalités de fonctionnement du Conseil du Fampihavanana Malagasy (CFM)
Article 28.- Le Conseil du Fampihavanana Malagasy tient des Assemblées Générales Ordinaires et des Assemblées Générales Extraordinaires dont les modalités d’organisation sont déterminées par son Règlement intérieur.
Article 29.- En vue d’assurer le respect des dispositions relatives au secret professionnel, le Président du Conseil veille à ce qu’aucune mention permettant l’identification des personnes ou des sources dont le nom lui aurait été révélé ne soit faite dans les documents publiés sous son autorité.
Article 30.- En fin d’exercice annuel et en fin de mandat, le Conseil du Fampihavanana Malagasy produit un rapport sur ses activités, retraçant les avancées des travaux des commissions pendant la période considérée et éventuellement des recommandations que son Président adresse aux institutions de l’Etat.
Le rapport est rendu public dans son intégralité.
Article 31.- Les autorités compétentes doivent prendre en considération les propositions, recommandations, résolutions du Conseil du Fampihavanana Malagasy.
A chaque session parlementaire, l’exécutif est tenu de donner réponses aux recommandations du Conseil du Fampihavanana Malagasy.
Article 32.- Le Conseil du Fampihavanana Malagasy dispose de trois Commissions:
• Commission Vérité et Pardon;
• Commission Réparation/Indemnisation;
• Commission Refondation de la Nation et de la République.
Aucun membre des Commissions ne peut siéger lorsque la personne concernée par le dossier à traiter est son conjoint, ou lui est parent ou alliée jusqu’au degré issu de germain inclusivement.
La composition et le fonctionnement des Commissions seront déterminés par le règlement intérieur du Conseil du Fampihavanana Malagasy.
Section 1. De la Commission Vérité et Pardon
Article 33.- La Commission « Vérité et Pardon » a pour mission principale la recherche de la vérité et l’établissement des responsabilités devant permettre :
• l’établissement de la vérité actuelle permettant de comprendre les raisons des crises politiques et sociales récurrentes ainsi que les causes profondes des actes de violence et des violations des droits de l’Homme qui les émaillent ;
• la connaissance réelle des séquelles des situations conflictuelles historiques et les crises politiques sur la cohésion nationale, l’identification des responsables et des victimes ainsi que l’évaluation des préjudices subis, en vue de la réparation et/ ou indemnisation collective ou individuelle par l’Etat.
Elle est chargée :
• d’examiner les questions se rapportant à la recherche de la vérité, conformément à l’article 5b de la présente loi ;
• d’établir la vérité sur les faits et les circonstances liés aux évènements politiques de, de clarifier et d’établir clairement les responsabilités dans les violences et les violations des droits de l’Homme qui ont eu lieu, en partant de témoignages contradictoires de personnes en mesure de procéder à la narration de ces évènements, en application des dispositions de l’article 1er alinéa 2 de la présente loi ;
• de mettre en œuvre et de promouvoir le droit inaliénable à connaître la vérité sur les situations tragiques majeures, ayant laissé des séquelles sur la cohésion nationale sur les relations politiques, économiques, sociales et culturelles, ainsi que sur les circonstances et les raisons qui ont conduit à ces situations ;
• de déterminer la part de responsabilité des parties en cause ou l’exonération, s’il en existe, et de proposer des réponses sur les demandes de réparation et/ou d’indemnisation des victimes, au besoin, demander des compléments d’investigations ou d’expertises ;
• de proposer des mesures appropriées à la prévention et à la résolution des conflits.
Article 34.- Pour l’accomplissement de ses missions, la Commission « Vérité et Pardon » dispose des pouvoirs les plus étendus, notamment de :
1. auditionner toute personne qu’elle juge utile pour l’accomplissement des faits et la révélation pleine et entière de la vérité. A cette fin, la Commission est habilitée à faire appel à tout témoin, expert ou toute autre personne ressource qualifiée, en tant que de besoin, dans le respect des dispositions légales en vigueur prévues pour leur protection ;
2. accéder aux données, documents, dossiers sur tout support, relatifs à tous services publics de l’Etat, de toute Collectivité Territoriale Décentralisée ou de tout établissement public, nonobstant toutes dispositions légales ou règlementaires contraires, à l’exclusion du secret-défense ;
3. saisir le parquet pour fausse déclaration ou déclaration inexacte, entrave ou résistance à l’investigation, destruction ou soustraction de documents, menaces, outrage ou rébellion à l’endroit des membres du Conseil du Fampihavanana Malagasy et de leurs collaborateurs ;
4. dans ses activités d’instruction des dossiers, la Commission peut faire appel à des experts. A ce titre, elle doit cependant s’abstenir de désigner dans le traitement d’un dossier, un expert qui est conjoint, parent ou allié jusqu’au degré issu de germain inclusivement, employé ou employeur de la personne concernée par le dossier.
Article 35.- Dans le cadre de ses attributions, la Commission « Vérité et Pardon » peut requérir tout officier et agent de la police judiciaire ou demander le concours des autorités administratives ou judiciaires.
Article 36.- En matière d’amnistie, la Commission « Vérité et Pardon » procède à l’investigation en utilisant les procédures nécessaires, en vue de proposition à l’Assemblée Générale du Conseil du Fampihavanana Malagasy, de l’octroi ou du refus d’amnistie.
A l’issue des investigations, la Commission transmet le dossier au Président du Conseil du Fampihavanana Malagasy pour saisine de la Commission Spéciale Indépendante pour l’Amnistie (CSIA) auprès de la Cour Suprême aux fins de son avis juridique motivé.
Article 37.- Aucune immunité, ni aucun privilège, ni aucune exigence d’autorisation préalable liée à la fonction, au titre, à l’emploi, au grade, ni à une quelconque dérogation liée à un statut particulier ne peut être opposé à toute convocation ou investigation de la Commission « Vérité et Pardon ».
De même, ni autorité de la chose jugée ni amnistie, ni prescription, ni péremption ne peuvent lui être opposées.
Article 38.- Tous les membres de la Commission « Vérité et Pardon » ainsi que ceux du Conseil du Fampihavanana Malagasy et de son personnel sont tenus de préserver la confidentialité et le secret relatif au fonctionnement interne et aux investigations menées.
Article 39.- Hors les cas où la loi les oblige ou les autorise à se porter dénonciateurs, tout membre de la Commission « Vérité et Pardon » ou du Conseil du Fampihavanana Malagasy, tout officier ou agent de la police judiciaire, tout fonctionnaire de toutes autorités administratives ou toutes personnes ou tout magistrat des autorités judiciaires prêtant leur concours à l’investigation et qui aura révélé tout ou partie de ces informations confidentielles ou de ces secrets, est puni d’une peine d’emprisonnement de cinq ans à dix ans et d’une amende d’un million à 20 millions d’Ariary.
Article 40.- La victime ou l’auteur présumé peut récuser tout membre de la Commission « Vérité et Pardon » ou du Conseil du Fampihavanana Malagasy envers lequel elle a des suspicions de partialité ou manquant de neutralité, compte tenu des fonctions ou du rôle qu’il a joué lors des événements politiques considérés.
La récusation ne peut se faire qu’une seule fois.
Article 41.- La Commission « Vérité et Pardon », chargée de l’établissement de la vérité et des responsabilités, rend un rapport final dans lequel elle intègrera ce qu’elle aura découvert, une analyse de la situation concernée et des recommandations appropriées qui s’y rapportent.
Le rapport final de la Commission « Vérité et Pardon » est adressé au Président du Conseil du Fampihavanana Malagasy. Il est transmis au Président de la République, au Premier Ministre et aux Présidents des deux chambres législatives. Il est rendu public dans son intégralité.
Section 2. De la Commission Réparation/Indemnisation
Article 42.- La Commission Réparation/Indemnisation est chargée, sur la base des dossiers d’investigation et d’établissement de la vérité constitués par la Commission Vérité et Pardon, de :
• étudier, pour les victimes des évènements politiques de 2002 jusqu’à la fin de la Transition, toutes les questions liées aux demandes de réparation, dont notamment la réparation de tout préjudice de carrière ;
• identifier les groupes communautaires cibles ayant subi des préjudices, tels que définis à l’article 56 de la présente loi, pour les victimes collectives des situations tragiques majeures, ayant laissé des séquelles cruciales sur la cohésion nationale ;
• définir un programme de réparation devant inclure non seulement des réparations financières symboliques qui permettront à des personnes ayant subi des préjudices évaluables de retrouver une forme de reconnaissance de leurs droits, mais également et surtout, des programmes de réparation destinés à changer le futur des personnes appartenant à des groupes sociaux cibles particulièrement touchés ;
• déterminer les modalités de reconnaissance officielle des erreurs de l’Etat et des individus impliqués, par une acceptation de leurs responsabilités ;
• désigner les conditions de consolidation de la réparation par d’autres modes appropriés du pardon relevant des us et coutumes ;
• définir les conditions de participation des acteurs de la société civile et du secteur privé économique pour la mise en œuvre des programmes de réparation placés sous la responsabilité de l’Etat.
Section 3. De la Commission de la Refondation de la Nation et de la République Malagasy
Article 43.- La Commission de la Refondation de la Nation Malagasy est chargée de :
• identifier et analyser les causalités de la fragilité de l’appropriation du concept de la démocratie au sein et par la société malagasy ;
• déterminer les distorsions entre les prescrits constitutionnels et légaux et les pratiques politiques et juridictionnelles, constitutives de manque d’éthique politique, causes déterminantes des crises politiques ;
• identifier les écarts dans l’application effective des grands principes démocratiques, de respect du principe de l’Etat de droit, des droits de l’Homme, principe d’égalité des chances entre les citoyens, de la bonne gouvernance, de la répartition équitable des richesses nationales, de développement régional harmonieux et équilibré ;
• examiner les ressorts intimes de la crise de la société malagasy afin d’engager la démarche la plus appropriée pour accompagner la Nation malagasy à retrouver ses repères, gage de la stabilité sociale.
La Commission proposera en conséquence des recommandations en vue de la refondation de la Nation et de la République.
TITRE II
DE L’AMNISTIE, DE LA RÉPARATION ET DU FONDS NATIONAL DE SOLIDARITE (FNS)

Chapitre I
De l’Amnistie

Article 44.- Dans le cadre de la réconciliation nationale, une amnistie est accordée conformément aux dispositions de la présente Loi.
Section 1. Du bénéfice de l’amnistie
Article 45.- A l’exception des infractions énumérées à l’article 47 de la présente loi, les auteurs, co-auteurs et complices des infractions liées aux évènements politiques qui se sont produits entre 2002 jusqu’à la fin de la Transition dont la motivation politique a été établie et après divulgation complète et publique des données détaillées les concernant, bénéficient d’une amnistie.
Sont concernés :
• les membres des Institutions de l’Etat, des fonctionnaires, ou les éléments des forces armées et de la police, ou des personnes ayant eu en charge les fonctions de direction ou d’exécution au sein des Institutions ou des Organes de l’Etat ou des Collectivités Territoriales Décentralisées ;
• les personnalités politiques ou les membres des instances dirigeantes des partis et entités politiques ;
• les personnes civiles.
Article 46.- A l’exception des dispositions de l’article 47 de la présente loi, l’amnistie s’applique également aux infractions liées aux évènements politiques prévues et punies par le Code de Justice du Service National.
Article 47.- Sont exclus du bénéfice de l’amnistie :
• les crimes contre l’humanité ;
• les crimes de guerre ;
• le génocide ;
• les violations flagrantes des droits de l’homme et les atteintes aux libertés fondamentales ;
Au sens de la présente loi, constitue des violations flagrantes des droits de l’homme et des atteintes aux libertés fondamentales comprenant exclusivement les infractions suivantes :
• le meurtre, l’assassinat, l’empoisonnement prévus et punis par les articles 295 à 304 du Code pénal ;
• les actes de tortures prévus et punis par la loi n° 2008-008 du 25 mai 2008 contre la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;
• le viol prévu et puni par les articles 332 et 333 du Code pénal ;
• la pédophilie punie et prévue par la loi n° 1998-024 du 25 janvier 1998 portant refonte du Code pénal concernant la pédophilie ;
• l’enlèvement de mineur puni et prévu par les articles 354 et 355 du Code pénal ;
• les situations de disparition forcée telles qu’elles sont définies par l’article 2 de la Convention Internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, adoptée le 20 décembre 2006 par l’Assemblée Générale des Nations Unies ;
• les exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires tels qu’ils sont définis par les principes relatifs à la prévention efficace des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires et aux moyens d’enquêter efficacement sur ces exécutions adoptées par le Conseil économique et social des Nations Unies dans sa résolution 1869/65 du 24 mai 1989.
Section 2. Des effets de l’amnistie
Article 48.- L’amnistie fait obstacle ou met fin à toutes poursuites pénales afférentes aux infractions liées aux évènements politiques, à l’exclusion de celles énumérées à l’article 47 de la présente loi.
Article 49.- L’amnistie efface les condamnations prononcées et éteint l’action publique en apportant les conséquences prévues par les articles 2 et 590 du Code de Procédure Pénale.
L’amnistie annule toutes les peines principales, accessoires et complémentaires, notamment la relégation, l’interdiction de séjour, ainsi que toutes les incapacités ou déchéances subséquentes.
Article 50.- L’amnistie est également applicable aux sanctions disciplinaires prononcées en raison des infractions prévues à l’article 47 de la présente loi, et des poursuites disciplinaires en cours y afférentes.
Article 51.- L’amnistie entraîne, exception faite des fonctions politiques ministérielles, électives et de Hauts emplois de l’Etat, le droit à réintégration dans les offices publics ou ministériels, dans les fonctions, emploi, grade ou profession, publics ou privés.
Elle donne lieu à réparation de tout préjudice de carrière ou reclassement, sans que cela bouleverse l’ordre hiérarchique propre au sein des corps d’appartenance des intéressés, notamment en ce qui concerne les militaires.
Elle entraîne la réhabilitation professionnelle à compter de la date de la décision du Conseil du Fampihavanana Malagasy.
Ne peuvent siéger au sein des Commissions de réhabilitation de l’Administration civile et militaire, les chefs hiérarchiques en poste au moment des faits.
Article 52.- L’amnistie ne préjudicie pas aux droits des victimes qui demandent réparation au niveau des juridictions de droit commun.
Le Conseil du Fampihavanana Malagasy, après avoir déclaré les faits amnistiés, prescrit le droit aux allocations des dommages intérêts à la victime.
Pour l’application du présent article, l’Etat est considéré comme un tiers.
En cas d’instance sur les intérêts civils, la juridiction saisie pourra ordonner le compulsoire du dossier pénal.
Article 53.- L’amnistie ne peut, en aucun cas, mettre obstacle à l’action en révision devant la juridiction compétente en vue de faire établir l’innocence du condamné.
Toute condamnation en violation des dispositions constitutionnelles relatives à l’irresponsabilité pénale et au privilège juridictionnel ouvre également droit à l’action en révision.
Article 54.- Toute contestation sur le bénéfice de la présente loi est soumise aux règles de compétence et de procédure prévues par les articles 597 et suivants du Code de Procédure Pénale.
En particulier, la contestation portant sur la situation administrative des personnes ayant bénéficié de l’amnistie est portée devant le Conseil d’Etat.
Section 3. De la procédure
Article 55.- Le bénéfice de l’amnistie est prononcée par le Conseil du Fampihavanana Malagasy, au vu des listes proposées par la Commission Vérité et Pardon et après que la Commission Spéciale Indépendante pour l’Amnistie (CSIA) ait donné son avis juridique motivé. La Commission Vérité et Pardon est saisie par requête de l’intéressé ou par le médiateur de la République ou par les entités habilitées, telles que les partis politiques, les associations de défense des droits de l’homme, et autres associations régies par l’ordonnance n°60-133 du 03 octobre 1960.
Chapitre II
De la réparation
Article 56.- Toute violation d’un droit de l’Homme fait naître un droit à réparation en faveur de la victime ou de ses ayant-droits qui implique, à la charge de l’Etat, le devoir de réparer.
Toutefois, dans la réparation du préjudice, les moyens dont dispose l’Etat lors de la mise en application sont pris en considération.
Article 57.- Ont droit à réparation en qualité de victimes:
• toute personne physique ou morale ou une communauté de personnes ayant subi un préjudice matériel, corporel, moral et financier ou une atteinte à leurs droits fondamentaux lors des évènements politiques de 2002 à la fin de la Transition, dont la responsabilité n’est pas mise en cause ;
• les groupes communautaires ayant subi des préjudices des situations tragiques majeures, ayant laissé des séquelles cruciales sur la cohésion nationale ;
Une victime peut être également le conjoint ou ayant droits de la victime directe.
Article 58.- Les réparations peuvent être individuelles ou collectives, intégrales ou symboliques. Sans que la liste ne soit exhaustive, elles sont :
1. La restitution
Elle comprend :
a. la restauration de la liberté et des droits juridiques ;
b. la restauration du statut social, de la vie de famille et de la citoyenneté;
c. le retour à son lieu de résidence ;
d. la restitution de l’emploi et des biens ;
e. la réparation de tout préjudice de carrière et/ou de classement, sur la base de l’évolution de carrière des fonctionnaires ou militaires de mêmes grade et ancienneté à la date des évènements considérés, sous réserve que :
– il soit tenu compte des péripéties entourant la commission de l’infraction reprochée à la personne incriminée,
– le rang dans le grade considéré ne soit pas supérieur à celui des fonctionnaires ou militaires pris comme base de référence dans le processus de reclassement,
2. L’indemnisation des dommages se prêtant à une estimation financière, le quantum de l’indemnisation ne pouvant excéder le prorata des capacités de solvabilité du Fonds National de Solidarité, tels que :
a. le préjudice physique ou moral, y compris la douleur, les souffrances et chocs émotionnels;
b. les dommages matériels et les pertes de revenus, y compris le manque à gagner;
c. l’atteinte à la réputation ou à la dignité;
d. les frais encourus pour l’assistance judiciaire ou les expertises, pour les médicaments et les services médicaux et pour les services psychologiques et sociaux ;
e. l’indemnisation est toujours une réparation individuelle.
3. La réhabilitation consiste à :
a. la cessation des violations ou de la privation en cours;
b. la vérification des faits et divulgation publique et complète de la vérité, dans la mesure où cette divulgation n’a pas pour conséquence un nouveau préjudice inutile ou ne menace pas la sécurité de la victime, des témoins ou d’autres personnes;
c. la recherche des corps des personnes tuées ou disparues et l’assistance pour l’identification et la réinhumation des corps conformément aux pratiques culturelles des familles et des communautés;
d. la déclaration officielle des décisions de justice rétablissant la victime et/ou les personnes qui ont un lien étroit avec elle, dans leur dignité, leur réputation et leurs droits juridiques et sociaux;
e. la priorisation à l’accès à certains services publics ;
f. les excuses, notamment la reconnaissance publique des faits et acceptation de responsabilité;
g. les sanctions judiciaires ou administratives à l’encontre des personnes responsables des violations;
h. les commémorations et hommages aux victimes ;
i. les accomplissements des rites traditionnels.
Il décide de l’indemnisation suivant les principes et modalités fixés par décret pris en Conseil de Ministres.
Aucune demande n’est recevable trois ans après la mise en place du Conseil du Fampihavanana Malagasy.
Article 60.- Les victimes ayant déjà bénéficié d’une quelconque forme de réparation sont exclues des réparations prévues par la présente loi
La disposition de l’alinéa premier du présent article est également applicable aux personnes condamnées non amnistiées pour des faits ayant trait aux conflits politiques à Madagascar définis à l’article 56 de la présente loi.
Article 61.- Le Conseil du Fampihavanana Malagasy ne peut être saisi simultanément avec les juridictions de droit commun. La saisine du Conseil du Fampihavanana Malagasy met fin à toute autre action en réparation.
Article 62.- Les décisions du Conseil du Fampihavanana Malagasy, en la matière, ne sont susceptibles d’aucun recours.
Chapitre III
Du Fonds National de Solidarité
Article 63.- Pour la réalisation de la réparation des victimes, un Fonds National de Solidarité est mis en place.
La gestion du Fonds National de Solidarité (FNS) est confiée à un organisme dénommé Caisse Nationale de Réparation et d’Indemnisation (CNRI) ayant statut d’Etablissement Public à caractère Administratif (EPA) tel que défini par la loi n° 98-031 du 20 janvier 1999 portant définition des Etablissements Publics et des règles concernant la création de catégorie d’Etablissement Public, dont la création, la structure, la composition, les attributions et les modalités de fonctionnement sont déterminés par décret pris en Conseil des Ministres.
A la fin de chaque année, la CNRI établit un rapport financier qu’elle adresse au Président de la République, au Premier Ministre, aux Présidents des deux chambres du Parlement et au Président du Conseil du Fampihavanana Malagasy.
Ce rapport est rendu public.
Article 64.- Le Fonds National de Solidarité est constitué des subventions de l’Etat malagasy et de toute autre ressource émanant de toutes personnes physiques ou morales et des partenaires techniques et financiers nationaux et/ou internationaux.
Article 65.- Le montant des subventions de l’Etat Malagasy est fixé par la loi de Finances.
Article 66.- Des textes règlementaires fixeront les règles de gestion du Fonds National de Solidarité.
Chapitre IV
Des dispositions diverses et finales
Article 67.- Il est prévu un organe indépendant chargé de l’évaluation de la mission du Conseil du Fampihavanana Malagasy, dont les modalités d’organisation et de fonctionnement sont fixées par décret pris en conseil des ministres.
Article 68.- Des textes d’application sont pris, en tant que de besoin, pour les modalités de mise en œuvre de la présente loi.
Article 69.- Le Conseil du Fampihavanana Malagasy dispose d’un Règlement Intérieur.
Article 70- Toutes dispositions antérieures et contraires à la présente loi sont et demeurent abrogées, notamment :
1. la Loi n° 2012-010 du 30 juillet 2012 portant création, mission, attributions, composition, et modalités de fonctionnement du Filankevitry ny Fampihavanana Malagasy (FFM) ou Conseil du Fampihavanana Malagasy (CFM) ;
2. la Loi n°2012-007 du 03 mai 2012 portant amnistie pour la réconciliation nationale ;
3. l’Ordonnance n° 2012-004 du 09 octobre 2012 fixant les attributions, la composition et le fonctionnement d’une commission ad ‘hoc dénommée «commission spéciale » au sein de la Cour Suprême.
Article 71.- L’organisation administrative et financière de l’actuel Filankevitry ny Fampihavanana Malagasy continue de fonctionner jusqu’à la mise en place d’une nouvelle organisation prévue par voie règlementaire.
La totalité de son patrimoine est transférée au Conseil du Fampihavanana Malagasy.
Article 72.- La présente loi sera publié au Journal Officiel de la République.
Elle sera exécutée comme loi de l’Etat.
Promulguée à Antananarivo, le 02 février 2017
RAJAONARIMAMPIANINA Hery Martial